top of page
Rechercher

Brèves du 18/10/23 Allemagne - smr - gaz - coût du réseau - nucléaire - etc...

Dernière mise à jour : 20 oct. 2023


réacteur de Palisades dans le Michigan aux États-Unis


- Accord entre la France et l'Allemagne sur le prix de l'électricité, à concrétiser

Berlin cesse sa guerre contre le nucléaire français à la suite d'un accord sur la réforme du marché de l'électricité. La compétitivité française sera préservée.

Les Français n'ont pas à payer des factures d'électricité astronomiques dépendant des mauvais choix énergétiques de l’Allemagne. C'est sur ce terrain que, depuis des mois, Olaf Scholz et ses conseillers, ainsi que son vice-chancelier, Robert Habeck, menaient une guerre sans merci au nucléaire français dans le cadre de la réforme du marché de l'électricité. Les Allemands renâclaient à cette réforme voulue par Emmanuel Macron depuis la crise énergétique.

Cette mauvaise querelle a pris fin, mardi 17 octobre 2023, à Luxembourg, lors d'un Conseil "énergie" qui entrera dans l'Histoire. Paris et Berlin ont enterré la hache de guerre en trouvant un compromis, rassurant pour l'Allemagne, mais qui ne nuit pas aux intérêts français.

La France ne paiera pas les erreurs stratégiques de l'Allemagne

L’Allemagne redoutait – pour on ne sait quelle raison exacte – une concurrence déloyale de la France . Comme si EDF allait vendre à perte ou bénéficier de subventions indues… Cette angoisse traduisait surtout le déclassement possible de l'industrie allemande dont les coûts énergétiques (gaz et charbon) resteront nettement plus élevés que ceux de la France dans les années à venir.

Selon la CRE (la Commission de régulation de l'énergie en France), pour la période 2026-2030, le coût de production d'EDF sera de l'ordre de 60 euros le MWh. L'Allemagne, en choisissant le gaz et le charbon et la fin du nucléaire, ne peut pas rivaliser avant longtemps… Mais pourquoi les foyers français devraient-ils payer le prix des erreurs stratégiques de Berlin ? Pourquoi les entreprises françaises devraient-elles payer une électricité calée sur les pics des prix du gaz alors qu'elles peuvent bénéficier des avantages du nucléaire meilleur marché ? Il fallait sortir de cette aberration.

Des prix plus stables pour les consommateurs français

Sous la houlette d'Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition énergétique, les Français ont obtenu ce qu'ils souhaitaient : à l'avenir, quand cette réforme entrera en vigueur, les 56 centrales nucléaires d'EDF pourront être placées sous le régime des CFD (contrat pour différence). Ces contrats de long terme impliquent la fixation d'un prix de référence qui ne sera pas trop éloigné du coût de production. Ce prix de référence permettra de financer les investissements nécessaires à EDF, notamment le grand carénage. L'avantage des CFD est le suivant : si le prix du marché européen de l'électricité est plus élevé que le prix de référence d'EDF, l'État pourra prélever ce surcroît de recettes pour le redistribuer aux consommateurs (les particuliers et les entreprises). Les Français bénéficieront ainsi de prix stables, plus prévisibles, quelles que soient les perturbations à la hausse du marché européen. Ce prix de référence agit comme une sorte de bouclier tarifaire permanent.

Des investissements garantis pour EDF

Dans la situation contraire – les prix du marché européen sont inférieurs au prix de référence d'EDF –, l'État sera autorisé à compenser la perte subie par l'énergéticien public par une subvention. Si bien qu'EDF voit son niveau d'investissement garanti, et sera à l'abri des fluctuations du marché européen.

La France sera libre de placer tout ou partie des 56 réacteurs nucléaires sous le régime des CFD. La réforme ne comprend pas de limitation de volume. Les Allemands se sont battus, depuis février, pour que le régime des CFD ne soit pas applicable au parc nucléaire existant. C'était pour eux une façon de retirer à la France un avantage compétitif énorme… Mais la France n'a pas cédé sur ce point, en dépit d'une tentative maladroite de la présidence espagnole de retirer, la semaine dernière, cette disposition du texte.

« Je salue cet accord qui, en un mot, protège les consommateurs, pose les jalons d'un investissement massif dans les renouvelables et assure la préservation de l'atout que constitue le nucléaire français, se réjouit Agnès Pannier-Runacher. Il y a un an pourtant, tout le monde à Bruxelles jugeait un tel accord impossible. Le travail mené par la France avec l'alliance européenne du nucléaire que j'ai créée , mais également avec la Commission européenne, l'Allemagne et les présidences successives, a payé. Je crois que nous avons aujourd'hui un compromis solide qui préserve les intérêts de chacun tout en prenant en compte l'intérêt européen. »

À Hambourg, Français et Allemands se rapprochent

L'Allemagne obtient, en échange, que le prix de référence – qui sera fixé par la CRE – puisse être vérifié par la Commission européenne, laquelle veillera à éviter d'éventuelles distorsions de concurrence. En somme, la Commission est appelée à jouer le rôle de tiers de confiance. On retrouve là une obsession de Jörg Kukies, le tout-puissant conseiller pour les affaires européennes et économiques du chancelier Olaf Scholz. Il y a quelques semaines, il s'était laissé dire qu' EDF aurait démarché des entreprises allemandes, les incitant à s'installer en France en leur proposant des contrats d'approvisionnement électrique de long terme à prix cassé. En somme, il s'est imaginé que la France, profitant de la faiblesse allemande du moment, poignardait son partenaire.

Non seulement, cette rumeur était fausse mais il a fallu qu'Alexis Kohler, le secrétaire général de l'Élysée, se déplace à Berlin le 26 septembre pour faire la démonstration que la France n'était pas en mesure, même avec un nucléaire bon marché, de déshabiller l'empire industriel allemand. Quelle plaisanterie ! Deux heures d'une démonstration implacable ont permis à l'émissaire du chef de l'État de remettre l'église au milieu du village.

Puis, il y a eu le séminaire à Hambourg entre les ministres des deux pays, les 9 et 10 octobre. Lors de cette klausur (sorte de retraite informelle) sur les rives de l'Elbe, des discussions plus constructives entre Agnès Pannier-Runacher et Robert Habeck et entre Emmanuel Macron et Olaf Scholz ont permis de mieux cerner les voies et les moyens d'en sortir. Il y a même eu une réunion entre Alexis Kohler, Jörg Kukies, Wolfgang Schmidt (directeur de la chancellerie) et les deux ministres (Pannier-Runacher et Habeck). Ça n'a pas tout réglé mais le niveau d'appréhension et les fantasmes sur EDF ont baissé à la suite de cette klausur . Hambourg a préparé les Allemands à ce compromis final.

La réforme du marché européen de l'électricité n'est pas encore arrivée à son terme. Le Conseil et le Parlement européens doivent encore trouver un terrain d'entente à travers les trilogues. En espérant que ceux-ci ne traînent pas en longueur et que le match France-Allemagne ne soit pas rejoué par d'autres acteurs…


- Annonce d'un SMR français

"Un réacteur qui permettra la fermeture complète du cycle du combustible nucléaire, le "Graal" absolu !"

Première mondiale pour la société française Naarea, qui vient de réaliser une boucle à sels fondus opérationnelle entièrement en carbure de silicium à une température de 700°C. Cette avancée nucléaire devrait permettre la mise au point d’un petit réacteur modulaire, en vue de décarboner l’industrie, principal émetteur de CO2 aujourd’hui. Entretien exclusif avec Jean-Luc Alexandre, président-directeur général de Naarea.

La société Naarea, lauréate de l’appel à projets "Réacteurs Nucléaires Innovants" du plan d’investissement France 2030, développe un petit réacteur nucléaire innovant : sa technologie repose sur un réacteur à sels fondus produisant de l’énergie à partir de combustibles nucléaires usagés actuellement entreposés et d’uranium appauvri. Elle vient de réaliser une première mondiale. Rencontre avec Jean-Luc Alexandre, son président-directeur général.

"Un réacteur qui permettra la fermeture complète du cycle du combustible nucléaire, le "Graal" absolu !"

Sciences et Avenir : Où en est le développement de votre petit réacteur nucléaire ?

Jean-Luc Alexandre : Ces dernières semaines, nous avons franchi des étapes importantes. Nous avons ainsi mis en place en huit mois la première boucle à sels fondus en carbure de silicium au monde. Cette boucle est opérationnelle et tourne quotidiennement à une température de 700 °C. Le sel à cette température est transparent et liquide comme de l'eau, ce qui est assez fascinant. Ces résultats sont cruciaux pour valider à la fois le matériau utilisé et la technologie globale. Nos tests en laboratoire ont confirmé l'absence de corrosion du sel que nous utilisons, qui est en fait un sel de cuisine. Cet exploit a été réalisé en partenariat avec des laboratoires français, ce qui marque notre engagement pour la souveraineté technologique nationale. Nous avons par ailleurs des résultats très encourageants quant à la synthèse de nouveaux types de sel, incluant de l'uranium et du plutonium, des développements inédits en France.

Pouvez-vous décrire votre concept ?

Nous développons un petit réacteur qui permettra la fermeture complète du cycle du combustible nucléaire, le "Graal" absolu ! Fermer ce cycle permet d’accélérer l'élimination des déchets à vie longue. Alors que ces déchets durent plusieurs centaines de milliers d'années, nos produits de fission auront une durée de vie d'environ 250 ans, ce qui est beaucoup plus gérable. Pour cela, nous avons conçu un micro générateur de quatrième génération basé sur l’utilisation de sels fondus et de neutrons rapides. La maîtrise de la fermeture complète du cycle du combustible est fondamentale, car c’est ce qui pourrait rendre le nucléaire durable. Nous sommes un parfait complément des réacteurs EPR, les réacteurs à eau pressurisée.

Notre petit réacteur de 40 mégawatts occupera un volume équivalant à un conteneur de la taille d'un autobus. Le refroidissement du système, qui fonctionnera à pression atmosphérique, ne nécessitera pas d’eau et n’est donc pas astreint à la proximité d’une rivière ou d’une mer. Par conséquent, il peut être installé dans n’importe quelle usine ou îlot industriel sécurisé - répondant aux normes de sécurité Seveso. Ce module prévu pour être fabriqué en série en usine pourrait être installé sans besoin de beaucoup de génie civil in situ.

"Permettre aux industriels de décarboner leur chaîne de production"

Quelle est votre particularité sur un marché où vont se multiplier les acteurs économiques ?

Ce qui nous distingue sur le marché, c'est que nous ne vendons pas notre technologie, mais son usage. Nous voulons être des fournisseurs d'énergie, qu’elle soit transformée en chaleur ou en électricité. C’est une approche différente des industriels de l'énergie nucléaire actuels, axés sur la fourniture d'électricité. Notre technologie permettra de produire de la chaleur exempte de carbone à 650°C. Ce qui la place en concurrence avec le gaz, tout en produisant en parallèle de l'électricité. Il est possible de choisir l’une ou l’autre de ces sources d’énergie ou les deux conjointement. Cela pourrait permettre aux industriels de décarboner leur chaîne de production, un processus qui nécessite à ce jour beaucoup d’énergie électrique. Nous apportons une solution aux consommateurs industriels, principaux émetteurs de CO2, en nous affranchissant des réseaux électriques saturés et de l'acceptabilité par le public de nouvelles lignes à haute tension.

Quelle est votre approche du développement d’un réacteur nucléaire ?

Nous avons franchi cet été une première étape numérique, directement inspirée des grands projets industriels conduits par les sociétés américaines spatiales SpaceX ou Blue Origin. Nous avons ainsi construit un "jumeau numérique" de notre microréacteur. Il s’agit d'une plateforme digitale collaborative, autrement dit, un environnement numérique constitué d’une série de logiciels interconnectés. Ce jumeau offre une représentation du réacteur en 3D et soumise aux lois de la physique. Il est possible non seulement de visualiser la géométrie du réacteur, mais également d’en faire fonctionner les composants. Il devient même possible de mesurer des paramètres inaccessibles dans le monde réel, comme la température en un point précis au cœur du réacteur.

Quel est l’intérêt d’un tel jumeau numérique ?

Ce jumeau numérique permet d'anticiper des phénomènes tels que le vieillissement des matériaux, leur résistance à la corrosion et la fatigue du système global. C'est un accélérateur de développement. Nous l'avons réalisé en 18 mois, un délai que beaucoup jugeaient ambitieux, mais que nous avons tenu. Cette plateforme met fin aux échanges incessants de plans et de fichiers révisés. Tout le monde travaille en temps réel sur les mêmes documents à un seul et même endroit. Le jumeau numérique sert également d’outil de démonstration en matière de sûreté et de sécurité, auprès notamment de l'ASN (Autorité de sûreté nucléaire) en France et d'autres autorités internationales.

Lorsque vous devez prouver que vous respectez les normes et les réglementations, vous disposez là d'un véritable simulateur, proche d'une intelligence artificielle capable de modéliser tous les scénarios et défaillances imaginables, comme un échafaudage qui s'effondre, et observer comment les composants réagissent. Cela permet d'anticiper des situations que nous ne pouvions pas prévoir auparavant en raison de leur complexité et de leur nombre.

Autre avantage du jumeau numérique, la formation : c'est un outil pédagogique et de formation pour les opérateurs, les exploitants et les futurs responsables de maintenance, mais aussi des collaborateurs provenant de secteurs autres que le nucléaire, qui peuvent ainsi s'immerger immédiatement dans le projet. En résumé, c'est un outil qui accélère la conception du réacteur, facilite la collaboration et l'uniformisation des développements.

Aujourd’hui, l'écosystème nucléaire en France a besoin de 100.000 personnes sur les dix prochaines années, soit 10.000 recrutements par an. Nous contribuons à cette dynamique en accueillant des personnes venant d’horizons divers et en les intégrant à la filière nucléaire.

Ce jumeau numérique est-il un produit de Naarea ?

Il est partiellement hébergé dans nos serveurs, en collaboration avec nos partenaires, dont principalement Dassault Systèmes, qui a fourni le simulateur multiphysique, cœur du système. Nous y avons adjoint tous les outils de calcul scientifique nécessaires pour simuler ce qui n'était pas initialement inclus, comme la neutronique et autres aspects spécifiques au nucléaire. Le résultat est un outil unique, interconnecté, une sorte de réseau quasi neuronal qui assure la cohérence du système : quand vous modifiez un élément, tout le reste s'adapte instantanément, y compris les fonctionnalités liées aux lois et règlements directement : si une exigence légale doit être respectée, tout est déjà préparé pour y répondre.

L'usage des jumeaux numériques fait désormais partie de l'ADN de l'industrie moderne. Le secteur du nucléaire innovant, que nous développons actuellement, bénéficie de ce que nous appelons en jargon industriel la "fertilisation croisée" : adopter les meilleures pratiques des autres secteurs pour s'en nourrir mutuellement.

"Nous avons conçu notre réacteur pour qu'il soit toujours dans un "état sûr"

Quel est votre objectif de production ?

Le but est de produire des centaines de réacteurs en série, à l'opposé des projets EPR où l'on construit un ou deux réacteurs. Cela change complètement la conception du réacteur. Par exemple, au lieu de soudures, nous utilisons la fabrication additive, c’est-à-dire en impression 3D. Cette approche est économiquement viable uniquement en production de masse. C’est d'autant plus réalisable sur des pièces de petite taille : le cœur du réacteur est de la taille d'une machine à laver.

Quelles sont vos garanties de sûreté concernant ce nouveau réacteur ?

Tous nos travaux se font sous le strict contrôle de l'ASN et répondent aux mêmes exigences de sécurité et de sûreté que les centrales nucléaires traditionnelles. Notre réaction de fission est intrinsèquement autorégulée à haute température. Nous avons conçu notre réacteur pour qu'il soit toujours dans un "état sûr", et si ce n'est pas le cas, qu’il y revienne de manière passive, les lois de la physique travaillant pour nous.

Quelles sont les innovations clé de ce réacteur ?

L’une des plus importantes est l'utilisation de carbure de silicium pour le cœur du réacteur. Cette céramique, résistante à la corrosion souvent associée aux aciers inoxydables, est une innovation qui ne peut être appliquée à un grand réacteur, mais est idéale pour un petit réacteur en production de masse. Le carbure de silicium est déjà utilisé dans l'industrie, notamment dans les moteurs de fusées et les satellites. Ce matériau a l'avantage d'être abondant et recyclable. En France, nous savons le synthétiser et l'usiner. Ce matériau peut résister à des températures extrêmes, bien plus que l'acier inoxydable. Nous combinons cela avec du graphène, autre matériau prometteur.

"Une mise en service en 2030"

Quelles sont les prochaines étapes du développement de votre microréacteur ?

Nous continuons nos tests en laboratoire et travaillons sur une maquette à échelle 1, qui devrait être prête d'ici la fin de l'année. Un démonstrateur fonctionnel suivra l'année prochaine. En somme, nous visons à avoir un prototype opérationnel autour de 2027-2028 pour une mise en service en 2030.

Notre progression est en adéquation avec notre calendrier. Depuis le premier employé en janvier 2022, nous avons atteint un effectif actuel de 170 personnes, et nous continuons à embaucher à un rythme soutenu. Nous serons 200 à la fin de cette année et probablement 350 l'année prochaine. Cette croissance est une réponse aux enjeux du dérèglement climatique et de la perte de souveraineté énergétique.

De nombreux autres petits réacteurs sont actuellement en développement dans de nombreux pays. Comment vous positionnez-vous dans ce contexte concurrentiel ?

Il n'est pas question de concurrence dans le secteur des petits réacteurs modulaires, car la demande énergétique future est énorme. Il va falloir fournir assez d'énergie pour atteindre l'objectif de zéro émission à l’horizon 2050. La diversité des solutions énergétiques en sera la clé. Par ailleurs, nous ne sommes pas tous sur la même gamme de puissance. Certains petits réacteurs modulaires projettent de fournir une capacité de 250 à 350 mégawatts, ce qui est idéal pour le réseau électrique général, mais pas pour les besoins plus spécifiques des industriels. Il y a assez de place pour toutes les technologies énergétiques. Nous ne sommes pas concurrents, mais collaborateurs à l'écosystème énergétique.

Quel est le secret de votre succès ?

Il repose en partie sur notre volonté de passer rapidement de la théorie à la pratique, car c'est en expérimentant que l'on peut véritablement innover.


- Approvisionnement en gaz :

La France signe un accord d’approvisionnement en GNL avec le Qatar d’une durée de 27 ans

L’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 a transformé le marché mondial du gaz naturel liquéfié (GNL). Elle a notamment donné la possibilité au Qatar et aux Etats-Unis de se substituer aux achats massifs par les pays européens de gaz russe. Le Qatar, premier exportateur mondial de GNL, a commencé à multiplier la signature de contrats à long terme et très long terme avec l’Allemagne, la France maintenant et aussi la Chine.

Substituer aux carburants fossiles des sources d’énergie décarbonées est l’objectif, le seul possible et acceptable, de la transition énergétique. Mais contrairement à ce que clament sans cesse bon nombre de militants, de lobbys, de politiques et de technocrates qui vivent dans un monde de fantaisies, cela ne pourra pas se faire en quelques années et très difficilement en quelques décennies. La consommation mondiale de pétrole et de charbon va encore atteindre de nouveaux sommets historiques cette année et le gaz naturel est sans doute l’énergie fossile qui perdurera le plus longtemps. Ce n’est pas pour rien si la France via Total Energies vient de signer un contrat d’approvisionnement de Gaz naturel liquéfié (GNL) de 27 ans… avec le Qatar.

Ce pays est le premier exportateur mondial de GNL depuis 2011 et est sans le moindre doute l’un des principaux bénéficiaires de la crise gazière née l’an dernier après l’invasion de l’Ukraine. Le Qatar, qui exportait avant tout son gaz vers l’Asie, est en train de devenir également un fournisseur privilégié et obligé des pays européens. Son GNL et celui venant des Etats-Unis sont amenés à remplacer le gaz naturel russe qui était lui acheminé par gazoducs, notamment par les fameux Nord Stream 1 et Nord Stream 2 qui ont été sabotés.

Illustration du rôle grandissant que va jouer et pour longtemps le Qatar comme fournisseur de gaz à l’Europe et à la France, Doha et TotalEnergies ont donc signé mercredi 11 octobre deux accords majeurs d’approvisionnement en GNL pour une durée de 27 ans. La signature des contrats a eu lieu à Doha, la capitale du Qatar, en présence du Pdg de TotalEnergies, Patrick Pouyanné. «Des filiales de QatarEnergy et de TotalEnergies ont signé deux accords de vente et d’achat pour fournir jusqu’à 3,5 millions de tonnes par an de GNL du Qatar à la France», a annoncé QatarEnergy dans un communiqué. L’entreprise a ajouté que les livraisons débuteront en 2026.

Plus grand projet de développement de production de GNL au monde

Elles proviendront des projets assez spectaculaires de développement de ses capacités de production lancés par le Qatar, les plus importants au monde. Il s’agit des champs nord, précisément North field east et North field south, du plus important gisement de gaz au monde que le Qatar partage dans le Golfe persique avec l’Iran. TotalEnergies est directement impliqué dans ses développements et détient des parts de 6,25% dans North Field East et 9,375% dans North field South. La première phase de développement doit permettre d’augmenter la capacité de production du Qatar de 43%, passant ainsi de 77 à 110 millions de tonnes par an d’ici 2025. La deuxième phase fera passer d’ici 2027 la capacité de production de 110 à 126 millions de tonnes, soit une augmentation totale de 64%.

Ces accords «démontrent notre engagement continu envers les marchés européens en général et le marché français en particulier, contribuant ainsi à la sécurité énergétique de la France», a déclaré le ministre qatari de l’Energie et Pdg de QatarEnergy, Saad Sherida Al-Kaabi. En juillet dernier, il avait affirmé que «40% des nouvelles capacités de production de GNL qui entreront sur le marché d’ici 2029 viendront de QatarEnergy quand l’ensemble de nos projets auront été menés à bien et seront opérationnels».

Des contrats à long et très long terme signés avec l’Allemagne et la Chine

Le moment est décisif pour le Qatar. La crise énergétique lui a offert une fantastique opportunité de renforcer et consolider et pour longtemps sa position de premier fournisseur mondial de GNL. En novembre dernier, deux contrats avaient montré la voie. L’un avec l’Allemagne pour fournir 2 millions de tonnes par an de GNL pendant quinze ans et un autre de 27 ans avec le géant chinois Sinopec pour 4 millions de tonnes. En juin dernier, le Qatar a signé un autre contrat, toujours de 27 ans, mais cette fois avec China National Petroleum et toujours pour 4 millions de tonnes par an.

Le développement des capacités de production de GNL va connaître une accélération considérable dans les prochaines années pour répondre à la demande en augmentation rapide en Europe et en Asie. L’Institute for Energy Economics and Financial Analysis prévoit que 64 millions de tonnes de capacités supplémentaires de liquéfaction annuelle seront mises en service d’ici 2026. Il n’y a pas de précédent à une telle rapidité dans l’histoire de l’industrie mondiale du gaz. Uniquement dans le golfe Persique, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et Oman se sont mis aussi à développer des projets d’exportation de GNL. Et dans le même temps, l’Europe va considérablement augmenter ses capacités de regazéification, de largement plus de 50 millions de tonnes par an d’ici 2027 selon une étude de Wood Mackenzie.


- Difficultés et obstacles de la transition énergétique, sur les coûts astronomiques des réseaux à prévoir ( le mur de l'argent, le mur du temps, des réalités physiques...):


Les réseaux électriques, talon d’Achille de la transition

La nécessité de produire massivement de l’électricité bas carbone, notamment renouvelable, pour mener la transition nécessite d’adapter et de fortement développer les réseaux électriques pour qu’ils puissent gérer une production extensive étalée géographiquement et souvent intermittente. Les réseaux devront doubler de taille et atteindre 160 millions de kilomètres d’ici 2040. Cela exige des investissements considérables qui selon un rapport de l’Agence internationale de l’énergie ne sont tout simplement pas là aujourd’hui.

La transition énergétique passe par l’électrification des usages et le développement des électro-carburants (hydrogène, carburants synthétiques, ammoniac…). Cela signifie produire des quantités considérables d’électricité bas carbone, renouvelable (éolien, solaire, hydraulique, géothermique, biomasse…) et nucléaire, et pouvoir ensuite les acheminer vers les lieux de consommation, de transformation et de stockage. Cela est d’autant plus nécessaire que les renouvelables intermittents (éolien et solaire) ont pour caractéristiques d’être des moyens de production extensifs, étalés géographiquement, avec des puissances nominales relativement limitées et d’être comme leur nom l’indique intermittents. Il est donc indispensable d’investir massivement dans les réseaux pour s’adapter à ses faiblesses et les compenser en partie.

Les investissements doivent doubler pour atteindre 600 milliards de dollars par an

C’est un défi dont la mesure n’a pas été vraiment prise selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE). «Le manque d’ambition et d’attention risque de faire des réseaux électriques le maillon faible des transitions énergétiques propres», prévient l’AIE dans un rapport publié le 17 octobre. Selon les estimations de l’Agence, le monde doit ajouter 80 millions de kilomètres de réseaux d’ici 2040 aux 80 millions existants qu’il faudra aussi rénover. «Tandis que les investissements annuels dans les réseaux… sont restés globalement stables», il est nécessaire qu’ils doublent «pour atteindre plus de 600 milliards de dollars par an d’ici 2030».

«Depuis plus d’un siècle, les réseaux constituent l’épine dorsale des systèmes électriques, alimentant en électricité les foyers, les usines, les bureaux et les hôpitaux. Leur importance ne fera que croître au fur et à mesure que le rôle de l’électricité dans les systèmes énergétiques va augmenter». Mais l’Agence constate que les réseaux «ne suivent pas le rythme de croissance rapide» de la production d’électricité bas carbone et des besoins résultant du développement également rapide des voitures électriques à batteries, des pompes à chaleur, des électrolyseurs…

Un nombre grandissant de parcs éoliens et solaires en attente de connexion

«Les gouvernements accordent beaucoup d’importance à la construction de centrales électriques mais ils oublient (…) que cette électricité, il faut l’acheminer jusqu’aux foyers, aux stations de charge de véhicules ou à l’industrie», affirme Fatih Birol, le directeur exécutif de l’AIE. Les gouvernements doivent «soutenir les projets à grande échelle» et «les développeurs de réseaux et les opérateurs adopter la numérisation» pour concevoir des réseaux «plus résilients et flexibles».

L’Agence souligne qu’il existe «un nombre important et croissant de projets d’énergies renouvelables» en attente d’être connectés au réseau, l’équivalent de 1.500 GW de futures capacités. Environ 50% de ces projets en attente se trouvent aux États-Unis et 20% en Europe.

Dans son rapport l’AIE a construit un scénario catastrophe, le «Grid Delay Case» (le cas du retard des réseaux) qui estime quelles pourraient être les conséquences d’investissements insuffisants. (Voir le graphique ci-dessous). Selon le modèle de l’Agence, les émissions cumulées de dioxyde de carbone (CO2) entre 2030 et 2050 seraient supérieures de près de 60 milliards de tonnes à ce qu’elles seraient si les réseaux étaient développés suffisamment rapidement. Cela représente les émissions de CO2 du secteur mondial de l’électricité lors des quatre dernières années.

Le scénario du retard des réseaux

Emissions en gigatonnes de CO2. En bleu foncé, en cas de retard des investissements dans les réseaux et en bleu clair si les engagements sont respectés. Source AIE.



Pourquoi la transition énergétique ne peut être que chaotique

La transition a en fait à peine commencé et se heurte déjà à de nombreux obstacles techniques, économiques et politiques. Au lieu de reconnaître les difficultés à venir et d’y préparer les opinions et les économies, l’échelle et l’impact des transformations à mener sont en permanence minimisés par les gouvernements et les militants. La réalité, c’est que l’an dernier 82% de l’énergie consommée dans le monde était encore d’origine fossile… Par Éric Leser. Article paru dans le N°18 du magazine Transitions & Energies.

Contrairement à ce qui est annoncé depuis des années, la transition énergétique ne sera pas un long fleuve tranquille. Elle ne peut pas l’être… par nature. La hausse des prix de l’énergie depuis deux ans en apporte une illustration immédiate même si elle a évidemment aussi d’autres origines à commencer par l’invasion de l’Ukraine. Elle a en tout cas rappelé que la transition n’est pas sans contradictions flagrantes avec la facilité d’accès à tous à l’énergie, avec sa production en abondance à des prix socialement et économiquement acceptables et avec la sécurité d’approvisionnement.

Le problème est toujours le même, éludé par les politiques, les institutions, les militants, les donneurs de leçons, les médias…, mesurer l’ampleur de la transformation à réaliser en quelques décennies et ce que cela implique. Une transition à une telle échelle consiste à remplacer des technologies, des équipements, des filières industrielles construites pas à pas depuis plus d’un siècle par d’autres moins efficaces et mâtures. Cela revient sur le strict plan économique à détruire du capital et à lui en substituer un autre dont la rentabilité sera moindre. Pour preuve, sans taxes et pénalités d’un côté et sans subventions et aides publiques massives de l’autre, le développement de la plupart des technologies bas-carbone est impossible.

Des investissements gigantesques

Et il faut également parvenir à mobiliser des investissements gigantesques pendant des décennies. L’an dernier, les sommes investies dans la transition énergétique ont atteint le niveau record de 1 100 milliards de dollars, dépassant pour la première fois les investissements dans les énergies fossiles selon Bloomberg New Energy Finance. Depuis 2004, les financements de la transition ont atteint 6 700 milliards. Il a fallu huit ans, de 2004 à 2011, pour atteindre le premier trillion (1 000 milliards), moins de deux ans pour le deuxième, et moins d’un an pour le troisième. C’est rapide… et très insuffisant. « Il faudrait tripler ce montant immédiatement pour atteindre la neutralité carbone en 2050 », affirme Bloomberg en s’appuyant sur des estimations de l’Agence internationale de l’énergie.

Rien que pour la France, les besoins d’investissements publics et privés nécessaires d’ici 2030 oscillent entre 22 milliards d’euros par an, selon les calculs de l’Institute for Climate Economics, et 100 milliards par an selon l’estimation de l’Ademe et du Commissariat général au développement durable. « Les investissements nécessaires au niveau mondial dans la transition énergétique vont représenter 4,2 % du PIB mondial d’ici 2050 », prévient Patrick Artus, chef économiste de Natixis, en citant des travaux récents comme le rapport « Global energy transformation : a roadmap to 2050 » de l’Agence internationale des énergies renouvelables. Cela représente 4 240 milliards de dollars par an !

Un appauvrissement pour la bonne cause

Par définition, cet argent s’il est mobilisé même partiellement ne sera pas utilisé ailleurs. Les chamboulements de la transition énergétique n’épargneront ni l’emploi, ni le pouvoir d’achat. Ils entraîneront « la dévalorisation brutale d’équipements, de capital intangible et de capital humain », prévient France Stratégie, l’organe de recherche rattaché en France au cabinet du Premier ministre. « Une part de l’investissement qui allait à l’extension des capacités de production ou à l’amélioration de la productivité du travail va devoir être consacrée à la recherche de l’efficacité énergétique, à la substitution d’énergies renouvelables à des énergies fossiles, ou au remplacement du capital prématurément déclassé. Toutes choses égales par ailleurs, l’impact sur le PIB potentiel ne pourra être que négatif. »

C’est donc un appauvrissement. Pour la bonne cause certes, mais un appauvrissement. Et il est aujourd’hui impossible d’en mesurer l’ampleur réelle. Car la transition a à peine commencé et encore seulement dans les pays industrialisés. Les énergies fossiles représentaient l’an dernier 82% de la consommation mondiale d’énergie primaire et celle de pétrole et de charbon va atteindre cette année de nouveaux sommets historiques.

Jusqu’à aujourd’hui, l’humanité n’a connu qu’une seule transition d’une ampleur vaguement comparable, le passage à partir du xviiie siècle du bois, de la biomasse et de l’énergie animale aux carburants fossiles (charbon, pétrole, gaz). Elle a pris plus d’un siècle et n’a pas été imposée en urgence par les gouvernements et institutions internationales à une humanité comptant 8 milliards de personnes et à une civilisation postindustrielle…

La consommation d’énergie va continuer à augmenter dans les prochaines décennies

La transition actuelle a aussi ceci de particulier qu’il s’agit en un quart de siècle de réduire les émissions de gaz à effet de serre tandis que la consommation d’énergie dans le monde va continuer à augmenter. Un processus qui s’apparente à la célèbre boutade sur la découverte fortuite de l’Amérique par Christophe Colomb. Quand il est parti, il ne savait pas où il allait. Quand il est arrivé, il ne savait pas où il se trouvait. Et il a fait tout cela avec l’argent des autres…

Plus sérieusement, une étude réalisée récemment par l’International Energy Forum baptisée « Shaping a Living Roadmap for Energy Transition » (Dessiner une feuille de route évolutive pour la transition énergétique) montre comment la transition sera chaotique, marquée par des progrès rapides dans certains domaines et certaines régions et d’autres bien plus lents. « Se concentrer sur une voie unique pour atteindre des émissions nettes nulles d’ici 2050 pourrait compromettre la réalisation d’autres objectifs de développement durable, limiter le financement de projets énergétiques essentiels et mettre en péril le soutien public nécessaire aux politiques climatiques », souligne le rapport.

Pays en développement et investissements dans les énergies fossiles

Il y a notamment deux questions clés. La première concerne la façon dont la transition sera menée par les pays en développement. Le destin de la transition n’est pas entre les mains des pays riches et encore moins de l’Europe. Il dépend notamment de ce que feront la Chine, l’Inde et à terme l’Afrique. La seconde est celle du niveau d’investissement toujours nécessaire dans les énergies fossiles. Détruire l’ancienne économie avant d’avoir construit la nouvelle ne mène nulle part.

Comme le fait remarquer, l’International Energy Forum, les pays en développement ont d’autres priorités. « Selon leur accès aux ressources énergétiques locales et importées, leurs besoins de financement et leur situation géographique, bon nombre d’entre eux doivent utiliser les hydrocarbures pour améliorer leur niveau de vie avant que la trajectoire de leurs émissions ne change. »

Par ailleurs, les interdictions de financement de nouvelles productions d’énergies fossiles posent de sérieux problèmes. « Elles augmentent le coût de l’énergie, entravent la croissance économique et menacent de saper le soutien du public à la transition alors que des sources d’énergie alternatives compétitives ne sont pas encore disponibles. »

Une opinion de plus en plus défiante

Dans les pays développés, la difficulté grandissante est celle de la gestion de la dimension politique et sociale de la transition. Dans une période marquée par la défiance grandissante envers les autorités de toutes sortes – politiques, morales, scientifiques, techniques… –, on ne peut pas dire que la façon dont est menée la transition énergétique jusqu’à aujourd’hui a contribué à rétablir la confiance. Au contraire.

Elle a consisté, pêle-mêle, à multiplier les annonces et les promesses de stratégies irréalistes, incohérentes et inefficaces de transition. À ne pas en faire la pédagogie et reconnaître à la fois ses coûts et ses inconvénients. À multiplier les contraintes en termes de mobilité et de logements pour les classes moyennes et populaires. À en faire une question morale au lieu de s’en tenir à sa dimension technique et économique. À faire miroiter des chimères comme la croissance économique verte ou la réindustrialisation par la transition énergétique. À imposer des choix technologiques contestables et peu efficaces sous la pression de lobbys idéologiques comme économiques.

Une communication de propagande moralisante, incessante et contre productive

Sans surprise, une partie grandissante de l’opinion est de plus en plus défavorable à la transition énergétique. Elle ne conteste pas, en Europe en tout cas, la réalité de la menace climatique, mais l’efficacité des stratégies de transition et leurs conséquences en termes de coûts de l’énergie, des transports, des logements, de l’alimentation… Et tout cela en dépit d’une communication de propagande moralisante, incessante et relayée ad nauseam par les médias qui finit à son tour par être contre-productive.

On a pu et on peut mesurer cette réaction en France, au sens premier du terme, avec le mouvement des Gilets jaunes il y a maintenant près de cinq ans et plus récemment à l’opposition farouche à l’instauration des ZFE (zones à faibles émissions) dans les métropoles, au rejet du passage obligé aux véhicules électriques, à celui des implantations d’éoliennes et de méthaniseurs et à l’incompréhension face au capharnaüm bureaucratique et administratif de la rénovation énergétique des logements.

La transition est en plus devenue le nouveau prétexte de la puissance publique pour élargir encore son envahissement de la sphère individuelle. Comme l’écrivent David Lisnard et Frédéric Masquelier, dans une étude de la Fondapol intitulée « De la transition écologique à l’écologie administrée, une dérive politique »,publiée au printemps dernier : « […] le code de l’environnement est devenu progressivement un des codes les plus lourds, comprenant plusieurs milliers de pages, réparties sur des centaines de chapitres et sous-chapitres. Ce code est passé de cent mille à un million de mots en l’espace de vingt ans, sans compter les mesures d’application que sa mise en œuvre implique. Mais en deçà des lois, l’empire des bureaux se crée aussi son activité en produisant des milliers de règlements et de circulaires techniques, ajoutant des alinéas, des conditions, des critères, des interstices, et en orientant l’application des textes en fonction d’une pensée administrée. »

La naissance du mouvement « greenlash »

Et ce n’est pas une spécificité française. Un peu partout dans le monde se développe ce qui est qualifié aux États-Unis de mouvement « greenlash », la remise en cause de la légitimité des politiques publiques de transition énergétique. Aucun pays n’y échappe.

Aux Pays-Bas, un parti agricole a émergé en réponse au plan de l’ancien gouvernement visant à réduire les émissions et les pollutions de la puissante industrie agro-alimentaire du pays et a obtenu un soutien considérable lors des élections locales. En Allemagne, le parti des Verts, qui fait partie de la coalition au pouvoir et qui est naturellement le plus fervent défenseur de la transition, perd rapidement la faveur des électeurs, tandis que le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne anti-transition gagne en popularité.

À l’automne dernier, les 27 pays de l’Union ont conclu un accord politique visant à mettre un terme à la vente de voitures neuves non électriques d’ici à 2035. Mais au début de l’année, un groupe de pays mené par l’Allemagne a décidé soudain d’en atténuer les règles. Ils ont obtenu une exception de taille pour les véhicules thermiques fonctionnant avec des carburants synthétiques décarbonés (voir page 22).

Même Emmanuel Macron veut une pause

La Pologne a pour sa part été bien plus loin en intentant un procès à l’Union en raison de l’interdiction des véhicules à moteur à combustion interne. Elle considère qu’il s’agit d’une atteinte à la liberté des citoyens.

L’Italie et d’autres pays de l’UE, dont la France, se sont attaqués à la réglementation Euro 7 qui, d’ici 2025, vise à réduire les émissions de gaz d’échappement des véhicules. « Nous avons déjà adopté de nombreuses réglementations environnementales au niveau européen, plus que d’autres pays, a déclaré Emmanuel Macron. Nous devrions maintenant les mettre en œuvre et ne pas apporter de nouveaux changements aux règles, sinon nous allons perdre tous nos acteurs [industriels]. »

Au Royaume-Uni, le Premier ministre Rishi Sunak a scandalisé les écologistes en déclarant que son cabinet délivrerait des centaines de nouvelles licences d’exploitation de pétrole et de gaz en mer du Nord s’il était réélu.

L’explication fondamentale à ses réactions est assez simple. Les gens commencent à mesurer le coût de la transition. Le retournement est très clair en Europe depuis la crise énergétique de l’an dernier. D’ailleurs, devant la menace de pénuries de gaz et d’électricité et l’envolée des prix de l’énergie, les gouvernements ont soudain oublié les promesses et les engagements solennels pour recourir à un véritable sauve-qui-peut, utilisant tous les moyens à leur disposition pour ne pas manquer d’énergie et limiter la hausse de leurs prix. En réactivant en Allemagne, par exemple, où les Verts font partie de la coalition gouvernementale, des dizaines de centrales à charbon et en subventionnant un peu partout la consommation de carburants fossiles… Un pas en avant, deux pas en arrière.


- La Chine avance très vite sur le nucléaire

La Chine va aussi rapidement dominer le nucléaire civil

Non contente d’être devenue l’usine du monde de la transition énergétique en dominant la production de panneaux solaires, d’éoliennes, de batteries, de véhicules électriques, de pompes à chaleur et d’électrolyseurs, la Chine sera aussi bientôt dominante dans le nucléaire civil.

Il n’existe pas de grande puissance sans souveraineté énergétique. C’est le cas évidemment des grandes puissances grands producteurs d’énergies fossiles, les Etats-Unis et la Russie. C’était le cas dans le passé des grands pays européens quand ils produisaient beaucoup de charbon, ce que fait encore l’Allemagne. Mais il y a aussi des puissances électriques. C’était le cas de la France, moins aujourd’hui, quand elle était le premier exportateur mondial d’électricité grâce à son parc nucléaire et c’est devenu le cas maintenant de la Chine. Ce n’est pas pour rien si de façon délibérée et stratégique, Beijing a pris ou prend le contrôle des industries clés de la transition énergétique toutes orientées vers la production ou l’usage et la transformation de l’électricité : solaire, éolien, véhicules électriques et batteries, électrolyseur, pompes à chaleur, matériaux critiques et, évidemment, le nucléaire.

Première puissance nucléaire civile

La Chine va devenir assez rapidement, ce qui n’est pas forcément présent à l’esprit de tout le monde, la première puissance nucléaire civile du monde. Selon l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), la Chine a aujourd’hui 23 réacteurs nucléaires en cours de construction, avec une capacité de production de l’ordre de 22 gigawatts (GW), et 55 réacteurs en service. Entre 2017 et 2021, pas moins de 16 nouveaux réacteurs sont entrés en service dont les deux EPR de conception française à Taishan (voir la photographie ci-dessus). A la fin de l’année, la capacité installée de production électrique nucléaire en Chine sera de 57 GW. Seuls les Etats-Unis en ont plus avec 96 GW.

Le nombre de réacteurs en construction est aujourd’hui en Chine deux fois et demi plus important qu’aucun autre pays (voir le tableau ci-dessous). La Chine entend atteindre 10% d’électricité produite dans des centrales nucléaires en 2035 (150 GW), ce qui implique la construction de près d’une centaine de réacteurs d’ici-là ! Elle deviendra alors de loin la première puissance mondiale du nucléaire civil. Cette ambition sera notamment assurée par le nouveau réacteur « Hualong » (Dragon). Beijing considère que le nucléaire est le seul véritable moyen de remplacer par la fiabilité de la production et la puissance délivrée les centrales au charbon qui assurent 60% de sa production d’électricité.

En bleu foncé, capacités de production d’électricité nucléaire en cours de construction en GW. En bleu clair, nombre de réacteurs en construction. Source AIEA.

Un réacteur expérimental au thorium

Et la Chine ne fait pas seulement la course en tête en termes de capacités mais aussi de technologies. Elle vient ainsi d’annoncer une première mondiale, la mise en service d’un réacteur expérimental au thorium à sels fondus. Ce type de réacteur fait partie de la catégorie des réacteurs dits à surgénération qui sont plus sûrs, capables de fabriquer plus de combustibles qu’ils n’en consomment et qui rejettent peu de déchets par rapports aux réacteurs à fission classiques. Ils représentent l’avenir à moyen et long terme de l’énergie nucléaire, au moins pour ce qui est de la fission. La France était en pointe sur une autre technologie permettant la surgénération, les réacteurs à neutrons rapides, avec Phénix et SuperPhénix et le programme de recherche Astrid. Des réacteurs et des programmes qui ont été arrêtés pour des raisons politiciennes respectivement par Lionel Jospin à la fin du siècle dernier et Emmanuel Macron en 2019…

Si aujourd’hui encore plus de 70% de la capacité nucléaire existante dans le monde se trouve dans des pays développés membres de l’OCDE, en fait environ 75% des réacteurs nucléaires en construction se trouvent dans des pays en développement, la Chine mais aussi l’Inde et la Turquie. Mais la Chine est évidemment un cas à part en termes à la fois de production et de besoins en énergie. La production totale d’énergie du pays a dépassé 7.600 térawattheures l’an dernier à comparer aux 1.280 térawattheures produits en 2000.

Le retour mondial du nucléaire

En tout cas, la puissance industrielle et technologique chinoise en matière nucléaire est tout sauf anodine car elle s’inscrit dans un mouvement général très favorable à l’énergie nucléaire. Son déclin voire même sa disparition ont été annoncés bien trop tôt… Même au sein de l’ONG Greenpeace, adversaire idéologique historique du nucléaire, des voix différentes se font entendre aujourd’hui. L’AIEA prévoit aujourd’hui une forte augmentation de la capacité de production nucléaire au cours des trois prochaines décennies.

Dans le scénario le plus favorable au nucléaire, l’AIEA prévoit le doublement au moins de la puissance installée, qui grimperait à 890 gigawatts en 2050 contre 369 GW actuellement. Elle misait auparavant sur 873 GW. Mais cela ne doit pas masquer le vieillissement du parc mondial de réacteurs nucléaires. Le renouveler est une tâche de longue haleine. La construction d’un réacteur prend en général environ une décennie et le retour en grâce du nucléaire est très récent. Le nombre de chantiers lancés chaque année , 10 en 2022, dont la moitié en Chine, est encore très loin du rythme des années 1970-80. La seule année 1976, au lendemain du choc pétrolier, avait vu le lancement de 44 constructions.


- Réouverture d'une centrale nucléaire aux USA

Première aux États-Unis : un réacteur arrêté en 2022 va être redémarré

Compétitif, sûr et bas carbone, le réacteur de Palisades dans le Michigan aux États-Unis, arrêté en 2022, va être redémarré dès que l’autorité de sûreté en donnera l’utilisation. Cet actif permettra à l’État de s’approvisionner avec une électricité compétitive et bas carbone.

La centrale de Palisades (Michigan), mise à l’arrêt en 2022, pourrait devenir la première centrale nucléaire redémarrée avec succès aux États-Unis. Holtec International a en effet déposé un dossier auprès de la Nuclear Regulatory Commission (NRC) afin d’entamer officiellement le processus de demande de réautorisation des activités de production d’électricité de la centrale.

« Notre demande d’autorisation est une étape importante dans l’exploration du potentiel de Palisades à continuer de contribuer aux besoins énergétiques et économiques de la région, tout en adhérant aux normes de sécurité et de réglementation les plus élevées », explique Jean Fleming, vice-président de Holtec International. « Nous comprenons l’importance de l’énergie nucléaire dans le mix énergétique de notre pays et le rôle essentiel qu’elle joue dans la fourniture d’une électricité sûre, fiable et sans émission de carbone ici au Michigan », ajoute-t-il.

Haut niveau de performance

Holtec assure que les performances de Palisades en matière de sûreté et de fonctionnement correspondaient aux meilleurs standards de l’industrie nucléaire au moment de sa fermeture. L’industriel ajoute que les systèmes et équipements restent bien entretenus et sont « en excellent état matériel ».

Palisades compte un unique réacteur entré en service commercial en 1971. Entergy a annoncé en 2016 son intention de fermer la centrale, la NRC approuvant en 2021 le transfert de la licence d’Entergy à Holtec en vue de son déclassement. Le réacteur à eau pressurisée de 805 MWe a été mis hors service – après 50 ans – par Entergy le 20 mai 2022 et déchargé du combustible le 10 juin.

La vente à Holtec a été finalisée le même mois et Holtec a annoncé quelques jours plus tard qu’elle sollicitait un financement fédéral pour lui permettre de redémarrer la centrale. La société n’a pas été retenue lors de la première phase du programme de crédit nucléaire civil du ministère américain de l’énergie (DOE), mais elle a annoncé en décembre 2022 qu’elle présentait une nouvelle demande.

Des SMR à venir

Avec succès cette fois-ci puisque le 31 juillet dernier, la gouverneure du Michigan, Gretchen Whitmer, a promulgué le budget de l’État du Michigan pour l’exercice 2024, qui prévoit un financement de 150 millions de dollars pour le redémarrage de la centrale. En août, Holtec a annoncé la signature d’un accord d’achat d’électricité à long terme avec la coopérative à but non lucratif Wolverine Power Cooperative. Dans le cadre de cet accord pluridécennal, Wolverine s’engage à acheter les deux tiers de l’électricité produite par la réouverture de Palisades, le partenaire de Wolverine, Hoosier Energy, achetant le reste. Il comprend également une « clause d’extension du contrat » pour inclure un ou deux petits réacteurs SMR que Holtec prévoit d’installer sur le site.

Holtec a déclaré que la remise en service de Palisades « améliorera considérablement la production d’énergie sans carbone du Michigan, la fiabilité du réseau de la région et diminuera la dépendance de la région à l’égard des coûteuses importations d’énergie ». Les États-Unis comptent à l’heure actuelle 93 réacteurs en opération pour une puissance totale d’environ 96 GW.

Le retour en arrière sur des stratégies de fermetures de réacteurs nucléaires devient monnaie courante dans le monde. Comme indiqué dans le rapport sur la relance du Nucléaire de la Sfen, « de nombreux pays, qui envisageaient, la fermeture de réacteurs nucléaires, ont changé récemment de politiques ». C’est le cas de plusieurs États aux États-Unis (Michigan, Californie…), en France ou en Belgique par exemple.


- Brèves

BREVES 12-10-23

Extrait Green Univers le 4/10 Un nouvel espoir pour les projets éoliens en manque de rentabilité

"J’ai décidé d’une mesure générale de recandidature dans les appels d’offres à venir pour les projets n’ayant plus la rentabilité suffisante." Ils pourront se représenter "sans pénalité et sans prélèvement de leurs garanties financières". Comme GreenUnivers l’avait anticipé hier, la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a annoncé aujourd’hui cette mesure au colloque national éolien de France

Question : Est-ce el rôle de l’Etat de soutenir des projets qui ne sont pas viables économiquement dans l’état d’endettement de notre pays ?


France Renouvelables tourne le dos aux turbiniers chinois

Extrait Green Univers le 4/10

Pour son premier colloque national éolien organisé sous son nouveau nom de France Renouvelables (ex-FEE), l’association professionnelle a choisi d'exclure les turbiniers chinois, pourtant présents en tant qu'exposants l’année dernière. “Pas d’accès au marché asiatique, pas de promotion sur le marché européen”, résume son délégué général, Michel Gioria. Fidèle à sa volonté de se projeter au delà de l’éolien, l’association …


L'Etat réévalue le potentiel hydroélectrique français

Extrait GREEN UNIVERS le 5/10

La quête de mégawatts est lancée. En la matière, il en va de l'hydraulique comme de l'agrivoltaïsme et de la biomasse : alors que la nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) est en cours de finalisation, chaque filière est examinée à l'aune de ses possibilités sur le terrain.

Les panneaux solaires légers de Heliup attirent 10 M€

Extrait Green Univers le 5/10/23

Un bon augure pour le retour de la fabrication de panneaux solaires en France : la start up savoyarde Heliup, émanation du CEA créée il y a un an, vient de boucler une augmentation de capital de 10 M€ apportés par Starquest Capital accompagné par EIT InnoEnergy, BNP Paribas Développement et Idec.

Voltalia franchit les 2 GW avec les turbines chinoises d'Envision

Extrait Green Univers le 9 oct

Ce sont des turbines chinoises qui ont poussé Voltalia au-delà du cap des 2 GW en exploitation. Le parc éolien de 23,6 MW Sud Vannier, dont l'entreprise vient d'annoncer la mis en service en Haute-Marne, a été développé et construit par Velocita Energies puis repris par Voltalia fin 2022. Velocita Energies est incorporé depuis 2016 dans le groupe chinois …


Le Crédit Agricole se projette en énergéticien

Extrait GREEN UNIVERS 12/10/23

« Le conseil financier et le conseil en énergie fonctionnent très bien ensemble auprès de nos clients », formule Eric Campos, directeur général d’un nouveau "métier" du Crédit Agricole baptisé Crédit Agricole Transitions et Energies (CATE). A destination des collectivités, entreprises et particuliers, la banque verte mobilise des moyens et s’organise pour « accompagner et faciliter les transitions environnementales de …

Du solaire, “il y en aura presque trop en 2030” [Andera Infra] Titre GREEN UNIVERS LE 18/10

CEREME

Énergie renouvelable : l'horizon s'éclaircit pour les barrages français – 07.10.23

La France et la Commission européenne semblent se rapprocher d'un accord sur le contentieux des concessions hydroélectriques, qui dure depuis près de vingt ans. Une solution envisagée est le passage d'un système de concessions à un modèle d'autorisations, ce qui pourrait permettre à EDF d'augmenter sa capacité hydroélectrique de 15 à 20 %. Cela pourrait être essentiel pour la transition énergétique en France. Cependant, des défis liés à la réglementation de la petite hydroélectricité et à la biodiversité subsistent. L'hydroélectricité est déjà la première source d'énergie verte en France. (La Croix)


Avec l’approbation officielle des États membres, la directive RED sur les renouvelables prête à paraître au Journal officiel – 10.10.23

Le 9 octobre, les Vingt-Sept ont voté en faveur de la directive RED III, qui fixe un objectif de 42,5 % d'énergies renouvelables dans la consommation de l'UE en 2030. Cette directive définit des objectifs sectoriels, notamment pour l'hydrogène renouvelable. La Pologne et la Hongrie ont voté contre en raison de la difficulté à atteindre ces objectifs, tandis que la République tchèque et la Bulgarie se sont abstenues pour des raisons similaires. La directive sera publiée au Journal officiel de l'UE prochainement et entrera en vigueur vingt jours plus tard, avec un délai d'un an et demi pour la transposer dans la législation nationale.

Espagne: Iberdrola jugé à Madrid pour une manipulation des prix de l'électricité parue le 17 oct. 2023 - 15h36 Extrait Connaissance des énergies Le géant espagnol de l'électricité Iberdrola et quatre de ses dirigeants sont jugés depuis mardi à Madrid pour avoir mis en place voilà dix ans un système présumé visant à augmenter frauduleusement le prix de l'électricité. L'entreprise et les dirigeants de sa filiale Iberdrola Generación sont poursuivis devant le tribunal de l'Audience nationale pour "délit de manipulation des cours", explique la plus haute juridiction pénale espagnole. Le ministère public espagnol a réclamé une amende de 84 millions d'euros pour le groupe et deux ans de prison pour chacun de ses directeurs, selon le tribunal. Leocès doit s'achever jeudi. Iberdrola est accusée concrètement d'avoir manœuvré pour vendre à ses clients entre novembre et décembre 2013 de l'énergie provenant de centrales à cycle combiné, qui utilisent du gaz pour produire de l'électricité, et non de centrales hydroélectriques, dont le prix était nettement inférieur.

Crise énergétique : les Français « peinent à faire face » selon le médiateur de l'énergie Extrait Connaissance des énergies le 18-10 Près de 89% des foyers interrogés par le médiateur national de l'énergie (dans le cadre de son Baromètre énergie-info 2023 publié ce 18 octobre) « déclarent être préoccupés par leur consommation d’énergie », dans le contexte de hausse des prix. Cette part était identique en 2022 mais de 68% il y a seulement cinq ans. 31% des Français déclarent avoir eu des difficultés à payer leurs factures d'énergie Près de 84% des Français interrogés lors de l'enquête annuelle du médiateur(1) déclarent désormais que leurs factures d’énergie représentent « une part importante » de leur budget, alors qu'ils étaient 71% dans ce cas en 2020 et seulement 56% en 2016.


bottom of page