Courrier de la Fédération VCT&B aux députés et sénateurs d'Indre, d'Indre et Loire, au président de la CCLochesSudTouraine et aux maires de cette communauté.
"Une déclaration récente de Madame Pannier Runacher reprise par certains médias attire notre attention. La France devrait payer 500 millions € de pénalités pour ne pas avoir atteint les objectifs d’énergies renouvelables (EnR) fixés au titre de l'accord de Paris sur le changement climatique en 2015.
Ce « chiffon rouge » agité très opportunément, alors que la loi d’accélération du développement des EnR est en discussion actuellement, ne doit pas nous faire oublier la réalité de la situation de « très bon élève » de la France en Europe en matière d’émission de gaz à effet de serre (GES). Nous vous invitons à lire l’article de JP Riou en annexe * qui démontre parfaitement l’absurdité de juger les performances des pays en fonction de la puissance installée en EnR, au lieu de regarder leurs résultats en matière d’émission de GES.
L’article 194 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoit que chaque état membre peut choisir son mix énergétique et la structure générale de son approvisionnement énergétique en fonction de ses ressources. Or, à ce jour, les choix de la France s’avèrent les meilleurs en termes d’efficacité pour la décarbonation de notre production électrique, et ce serait criminel de vouloir appliquer chez nous le modèle allemand dont l’échec est retentissant avec sa dépendance au gaz russe notamment. Demain ce sera une autre dépendance, les EnR intermittentes et aléatoires nécessitant obligatoirement des centrales thermiques (gaz, charbon, lignite) dont nous devons acheter le combustible.
Qu’aujourd’hui, la loi d’accélération soit débattue sans que les objectifs désastreux de la PPE soient revus à la lumière de la faillite de l’Energiewende allemand, et en tenant compte du changement de cap sur l’énergie nucléaire (discours de Belfort du Président Macron), est tout simplement aberrant. Les objectifs de la loi de 2015 qui prévoit qu’en 2030 les énergies renouvelables doivent représenter 40 % de la production d’électricité sont toujours à l’ordre du jour !!!
Oui nous devrons produire plus d’électricité à l’avenir, et les EnR constituent des sources de production envisageables. Mais, ne faut-il pas d’abord travailler à réduire notre consommation et mettre la priorité des investissements sur l’efficacité énergétique des bâtiments et du transport, les plus gros pourvoyeurs de GES ?.. Ces secteurs pourraient générer des emplois, alors que l’éolien n’en créé que très peu selon le rapport de la Cour des comptes de 2018, de plus les machines sont importées.
Ensuite, il est incontournable de privilégier les énergies renouvelables pilotables : hydraulique (énergie marines : courants, vagues, salinité, ou terrestres fleuves, rivières), géothermie, biomasse, pompes à chaleur. Ces énergies sont rarement évoquées dans les débats à l’Assemblée, ni prises en compte ! - Pourtant en 2021, les pompes à chaleur on produit 12% d’EnR contre 11% pour l’éolien (tableau en annexe **) - Selon un rapport de juillet 2022 repris par Bloomberg qui chiffre les besoins en espace naturel pour la production d’un TWh, il faut 12000 ha de champs d’éoliennes dont 130 ha pour la seule empreinte au sol des machines ! - La géothermie abondante dans certaines régions, inépuisable, pratiquement invisible en surface, sans impact sur la santé des gens ni sur la biodiversité est ignorée ! Pourquoi ? Avons-nous besoin d’engins démesurés, terriblement destructeurs pour l’environnement et le vivant, pour faire croire que nous agissons pour le climat ?
Chaque énergie présente des inconvénients et nous aimerions que les choix s’appuient sur leur efficacité**, leur coût économique (investissements avec les coûts induits et impact sur l’économie du territoire : emplois, tourisme.., dépréciation immobilière alentour..), leur coût écologique (consommation d’espaces, de matières premières, impact sur la biodiversité..) leur coût social ( impact sur la santé, destruction du lien social) Pour information, le facteur de charge de l’éolien était à 21,5% fin août, nous étions à 26,35% en 2020. Les vents faiblissent selon COPERNICUS
Il est temps de revenir à la raison, d’être conscients de ’influence de l’Allemagne dans les directives européennes, du poids du lobbying allemand (OFATE) à l’intérieur de notre ministère de la TE. La destruction de nos zones rurales par des engins inefficaces, coûteux économiquement, écologiquement et socialement est devenue insupportable. Nous comptons sur vous pour que cette loi d’accélération des EnR respecte les fondements du développement durable et promeuve des EnR acceptables. Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions d‘agréer nos respectueuses salutations"
Maggy Ernst Dominique Vandeweghe Michel Navion Présidente Vice-président Vice-président
PJ : * article JP Riou ** tableau poids des EnR *** tableau facteurs de charge fin août 2022"
Les pièces jointes :
l'article de JP Riou :
*L’amende de trop
Jean Pierre Riou
En menaçant la France d’une lourde amende pour n’avoir pas atteint ses objectifs en matière d’énergies renouvelables, la Commission européenne consacre sa confusion entre objectifs et moyens, et stigmatise surtout une politique illusoire et brouillonne de sortie du nucléaire et son gâchis d’argent public engagé dans une impasse dogmatique.
Selon Novethic, la France, seul pays européen à ne pas avoir atteint ses objectifs en matière d’énergies renouvelables, négocierait pour racheter « des mégawatts statistiques à l’Italie et à la Suède ». Ce qui lui coûterait des centaines de millions d’euros, afin d’éviter une lourde amende de la part de la Commission européenne.
Selon le texte qui les régit : « Ce développement des énergies renouvelables s’insère dans la politique climatique européenne en tant que « L'augmentation de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, ou «énergie renouvelable», constitue un élément important du paquet de mesures requises afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de se conformer aux engagements pris par l'Union au titre de l'accord de Paris de 2015 sur le changement climatique ».
Ce mélange des genres entre objectifs et moyens pose la question de la condamnation de la France dès qu’on se penche sur les faits et non sur les seuls chiffres supposés permettre ces faits.
(Source Banque mondiale)
La France apparaît ainsi une très bonne élève grâce, essentiellement à son parc nucléaire qui l’avait déjà démarquée de ses voisins avant 1990.
Et si la Suède, avec 3,4 tCO2/habitant fait mieux encore, d’autres comme la République tchèque (9tCO2/h) ou le Luxembourg (15,3 tCO2/h) font bien pire que les 8,1 tCO2/h de la Belgique.
Que cette amende soit infligée ou non, cette situation met au grand jour des manœuvres politiciennes dont le grand perdant est le climat.
Comment en est-on arrivés là ?
La LOI n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte stipule notamment les objectifs :
… « 4° De porter la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation finale brute d'énergie en 2020 et à 32 % de cette consommation en 2030 ; à cette date, pour parvenir à cet objectif, les énergies renouvelables doivent représenter 40 % de la production d'électricité, 38 % de la consommation finale de chaleur, 15 % de la consommation finale de carburant et 10 % de la consommation de gaz ; « 5° De réduire la part du nucléaire dans la production d'électricité à 50 % à l'horizon 2025
Le caractère irréaliste de cette loi a été acté 3 ans plus tard.
La réduction de la part du nucléaire à 50% a tout d’abord été jugée irréaliste et repoussée à 2035 dans la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) de 2018, avant qu’Emmanuel Macron annonce, lors de son discours du 10 février 2022 à Belfort, qu’EDF devra au contraire se préparer à une prolongation au-delà de cinquante ans pour les réacteurs qui atteindront cet âge. Donc jusqu’à soixante. Renonçant ainsi à toute fermeture anticipée d’un réacteur en bon état d’ici là.
Quand le nucléaire s’invite au GIEC
À l’occasion de l’évènement Atoms4Climate qui s’est déroulé lors de la COP27 sur le climat à Sharm el-Sheikh en Égypte, Rafael Grossi, directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), a vanté le potentiel du « héros méconnu de la lutte contre le réchauffement climatique (qui) est l’exploitation à long terme (des réacteurs) », son faible coût et son grand potentiel. L’Agence internationale de l’énergie avait en effet déjà chiffré le coût de la prolongation des réacteurs (long term operation, ou LTO) comme la moins chère des filières de production d’électricité, dans un rapport qui proposait notamment un calculateur interactif permettant la comparaison avec toutes les autres. Rafael Grossi, rappelant qu’avec des investissements bien moindres, les réacteurs peuvent fonctionner avec des conditions de sûreté parfaites, non pas seulement pendant 70 ans, mais pendant 100 ans.
Rêves et réalité
Le défi climatique demande de réduire les émissions de gaz à effet de serre et non d’atteindre des objectifs de moyens réputés y parvenir. En l’espèce, des moyens en termes d’énergies renouvelables qui ont montré leurs limites avec les 2 plus gros pollueurs européens pour la production d’électricité, comme le montre leur bilan des 12 derniers mois du site Electricity maps, reproduit ci-dessous.
Montrant ainsi la moyenne française à 81gCO2/kWh, celle de l’Allemagne à 387gCO2/kWh et celle de la Pologne à 698gCO2/kWh.
La France dernière de la classe pour les énergies renouvelables avec 19,1% dans la foulée de son modèle allemand ( 19,3%) !
Le plus ahurissant de l’histoire, c’est que l’Allemagne, qui, malgré son pitoyable bilan CO2 dans ce domaine, affiche fièrement une part de 50,3% de renouvelable dans sa production d’électricité (2020), n’affiche, cette même année, que 19,3% d’énergies renouvelables pour « la part d'énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation d'énergie finale brute, en 2020 », c'est-à-dire les termes exacts des engagement pris auprès de la Commission européenne.
Notons qu’en 2021, la France est également parvenu à 19,3% de part de renouvelable, grâce à 7,1% de biomasse solide, 3,4% d’hydraulique, 2,4% de pompes à chaleur, seulement 2,2% d’éolien et 1,4% pour toutes les autres filières électriques, selon les statistiques du ministère de la Transition écologique. Ces 19,3% représentent exactement la part de renouvelables de la consommation allemande 2020, malgré ses 119,9 GW éoliens et photovoltaïques déjà installés à l’époque : quasiment le double de la puissance de notre parc nucléaire (61,3 GW), que l’Allemagne a d’ailleurs dépassé depuis, avec 129,89 GW en 2022. Malgré donc la part de 50,3% renouvelable de sa (très polluante) production d’électricité.
Considérer que l’urgence serait d’accélérer le développement de notre parc éolien/solaire, dont la puissance est actuellement de 22,6 GW n’est assurément pas la voie royale pour atteindre ne serait-ce que l’objectif de part de renouvelable, un objectif sur lequel la commission européenne serait bien avisée de revenir, car le nucléaire, désormais considéré parmi les énergies vertes, ne nécessite pas l’ajout de centrales thermiques pour lisser la production selon les aléas météorologiques.
La botte italienne, (et allemande).
Mais notre bon élève italien ne s’était engagé qu’à hauteur de 17% d’énergies renouvelables et notre champion allemand à 18%. Tandis que la Pologne doit parvenir à 15% et la Belgique à 13%, quand la loi de 2015 engageait la France à hauteur de 23%.
Rappelons enfin que cette même loi de 2015 prévoit « 32 % de cette consommation en 2030 ; à cette date, pour parvenir à cet objectif, les énergies renouvelables doivent représenter 40 % de la production d'électricité ». C'est-à-dire s’assurer de bien reproduire la même erreur que l’Allemagne en concentrant les énergies renouvelables dans la production d’électricité, sachant que nous n’obtiendrons même pas les mêmes résultats qu’elle, sachant que notre production d’électricité est déjà décarbonée à plus de 90% depuis ¼ de siècle grâce au nucléaire qui en assure l’essentiel.
Il est difficile d’imaginer que l’obstination à suivre le modèle de production d’électricité allemand aurait pour objectif la réduction des émissions de CO2, objet ultime de la déclinaison des objectifs en termes d’énergies renouvelables.
D’autant qu’on sait que les intérêts de la filière renouvelable électrique sont officiellement représentés dans les bureaux mêmes du ministère chargé de les mettre en œuvre.***
Pour l’anecdote, l’excellent élève estonien, avec 30,2% de part renouvelable est le champion toutes catégories de la production d’électricité la plus sale, avec une moyenne de 915gCO2/kWh sur ces 12 derniers mois. Son système énergétique se caractérise par une forte dépendance aux schistes bitumineux qu’elle exploita sur son sol, « réduisant peu à peu la part consacrée à la production d'électricité et de chaleur et en augmentant celle dédiée à la production d'hydrocarbures », ainsi que le rapporte Connaissance des énergies, selon un rapport de l’AIE de 2019. Mais l’Estonie envisage de porter cette part de renouvelable à 50% en utilisant davantage les importantes ressources forestières du pays. En 2019, l’Estonie émettait 7,7 tonnes de CO2 par habitant.
Le sens de la condamnation
L’énergie nucléaire est désormais reconnue nécessaire face au défi climatique, en tant que "partie de l'ensemble de la taxonomie de l'UE, qui se concentre sur les énergies renouvelables". Le spectre d’une amende de 500 millions d’euros infligée à la France consacre la gravité de l’erreur d’avoir mélangé objectifs et moyens en figeant les termes des objectifs en matière d’énergie renouvelable malgré leurs carences en regard de l’urgence climatique, et stigmatise avant tout une politique française brouillonne de sortie du nucléaire et le décalage entre ses rêves et la réalité qui a privé d’efficacité ses investissements dans une voie dogmatique, en négligeant le formidable potentiel laissé par la précédente génération.
*** Commentaires : Cette phrase fait référence à l’OFATE (Office Franco-Allemand pour la Transition Energétique) largement dominé par l’industrie allemande de l’éolien.
Comments