15/05/25 Production d'électricité - chute des vents - coûts - industrie - etc...
- Vent Contraire en Touraine & Berry
- 15 mai
- 16 min de lecture
Quelques infos dans la jungle des articles sur l'énergie et particulièrement la production d'électricité.
Tout d'abord un excellent article du Figaro du 14/5 qui pose bien les enjeux de la production d'énergie en Europe
Nucléaire
Bertille Bayart : «Parlons, enfin, sérieusement énergie en Europe !» Le Figaro, Bertille Bayart, 14/05/2025
La guerre en Ukraine, le changement de gouvernement en Allemagne, le black-out en Espagne et la fin de l'argent magique permettent de refonder le débat sur des bases plus rationnelles.
Débattre d'énergie en général, et d'électricité en particulier, est un cauchemar. En surface, c'est le choc des dogmatismes, le règne de l'ultracrépidarianisme, un bouillon de culture de démagogies. En profondeur, c'est une matière d'une complexité inaccessible, derrière laquelle les experts se retranchent pour en repousser la dimension éminemment politique. Les deux niveaux sont traversés par le jeu contemporain de la polarisation par réseaux sociaux interposés. Le secteur est à la confluence des confrontations géopolitiques, des affrontements idéologiques, et d'énormes intérêts financiers. Le débat s'enferme ainsi dans des caricatures binaires et stériles : écoanxieux contre climatosceptiques, réalistes contre idéalistes, ultralibéraux contre étatistes, européistes contre eurosceptiques, techno-solutionnistes contre décroissantistes, et, bien sûr, pronucléaires contre prorenouvelables.
Il existe cependant aujourd'hui une - petite - opportunité pour parler enfin sérieusement énergie en Europe.
1. La guerre en Ukraine, l'agressivité de Vladimir Poutine, les dérobades de l'Amérique de Donald Trump ont mis en évidence les périls de la dépendance énergétique européenne.
2. Une nouvelle coalition à pris le pouvoir en Allemagne. Les Verts ont quitté le gouvernement. Dans la tribune cosignée avec Emmanuel Macron et publiée dans nos colonnes la semaine dernière, le chancelier CDU Friedrich Merz a endossé le « principe de neutralité technologique garantissant un traitement non discriminatoire de toutes les énergies bas carbone au sein de l'Union européenne ». Une Union européenne dans laquelle l'Allemagne ne passerait plus son temps à savonner la planche du nucléaire français est en réalité très différente de celle qui a écrit les règles depuis vingt ans.
3. L'Espagne vient de traverser un épisode de black-out spectaculaire. Le 28 avril, l'ensemble du réseau ibérique est tombé en rideau en quelques secondes et pendant près d'une journée. L'autopsie de cette catastrophe n'est pas terminée. Il est donc impossible de l'attribuer à l'importance des énergies renouvelables variables, en particulier le photovoltaïque, dans le mix électrique espagnol. Il est tout aussi inconséquent d'exclure cette hypothèse, comme le fait à ce jour le gouvernement de Pedro Sanchez.
On ne peut plus écrire des trajectoires d'investissement comme des châteaux en Espagne, comme cela a été le cas juste avant et juste après le Covid
Que ce soit ou non la cause de l'événement du 28 avril, le fait est que le développement des énergies éoliennes et solaires, lorsqu'elles atteignent un poids prépondérant, rend le système électrique plus complexe, et donc plus vulnérable, et augmente les coûts de réseau. Ce black-out a le mérite, si l'on peut dire, de rappeler que la sécurité d'approvisionnement et la robustesse des systèmes électriques doivent être une priorité dans l'écriture des politiques à venir.
4. Le temps de l'argent magique est révolu. En France, surtout. Mais pas seulement. On ne peut plus écrire des trajectoires d'investissement comme des châteaux en Espagne, comme cela a été le cas juste avant et juste après le Covid. L'Europe, dont la compétitivité décline de façon alarmante, n'a pas le luxe de se payer un système électrique plaqué ou dont le résultat sera de renchérir le prix de l'électron à des niveaux tels qu'il chassera l'activité économique du continent. Les émissions de carbone ne baisseront pas ; elles se feront ailleurs.
Imposer le principe de neutralité technologique
Ces quatre circonstances peuvent contribuer à remettre d'équerre le débat énergétique européen et français. Dans la discussion nationale sur la programmation pluriannuelle de l'énergie, le premier ministre, François Bayrou, a posé quatre critères : l'abondance, la compétitivité, la décarbonation et la souveraineté. C'est la bonne grille d'analyse. À l'échelle des Vingt-Sept, le principe de neutralité technologique doit s'imposer. Ce combat n'est pas encore gagné, comme le prouve la discrimination du nucléaire dans les critères d'éligibilité aux financements de la Banque de l'hydrogène.
La Commission doit proposer d'ici l'été une trajectoire climatique à l'horizon 2040, visant 90 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre : il faudra que ce texte affiche des objectifs exprimés en termes de développement des énergies bas carbone, et non de développement des seules énergies renouvelables comme dans la directive précédente. Dans la note des autorités françaises transmise il y a deux semaines à la Commission, la France réclame une « directive énergie décarbonée » et non une nouvelle directive ENR. Le combat suivant est de faire reconnaître à l'échelle des Vingt-Sept la valeur de la « pilotabilité » d'une source de production d'électricité, autrement dit sa capacité à s'adapter en toutes circonstances à la consommation. Hors des sources fossiles (centrales à gaz et à charbon), l'hydroélectricité et le nucléaire sont incomparablement meilleurs à ce jeu que les énergies intermittentes. Ces dernières doivent être dotées de capacités de stockage, ce qui en renchérit le coût.
La production massive de renouvelables, en particulier de photovoltaïque, commence à provoquer des tensions sur le réseau qui dégénèrent en crises diplomatiques
Le parc nucléaire historique de la France doit, dans ce contexte, être reconnu à sa juste valeur. C'est déjà le cas dans les faits, à défaut de l'être dans les textes et dans les paroles officielles. Dans les faits, en effet, les pays voisins de la France sont demandeurs de plus d'interconnexions avec l'Hexagone. Ce n'est pas seulement pour écouler leur production renouvelable quand elle est excessive. C'est aussi pour bénéficier de la réassurance qu'offre le socle de la production nucléaire française. Inversement, la production massive de renouvelables, en particulier de photovoltaïque, commence à provoquer des tensions sur le réseau qui dégénèrent en crises diplomatiques ! L'Espagne accuse la France de traîner des pieds pour augmenter la capacité de transport entre les deux pays.
La Suède dénonce la politique « irresponsable » de l'Allemagne, qui fait grimper les prix chez elle. Le gouvernement de coalition en Norvège, un grand pays producteur d'hydroélectricité, a explosé en début d'année sur la perspective de l'adhésion au marché européen de l'électricité. Dans sa note à la Commission, la France rappelle que le développement des interconnexions ne doit pas engendrer de besoin de renforcement du réseau national dont le coût ne serait pas mutualisé, autrement dit supporté par le client - en l'espèce, français.
NB L'ultracrépidarianisme, l'art de parler de ce qu'on ne connaît pas
Retrouver la vidéo d’Etienne KLEIN https://www.brut.media/fr/news/l-ultr...
« Notre démocratie pour garder sa vivacité a besoin que les gens modérés s’engagent passionnément »
Il fait l’éloge des gens modérés, de l’argumentation en se donnant le temps... il fait l’éloge de l’analyse en opposition aux arguments primaires qui sont des arguments primaires et non pas des analyses
À lire attentivement. La chute des vents est bien là. L'Allemagne prévoit 40 centrales à gaz pour pallier la baisse de la production éolienne et sécuriser le réseau. Voir la carte des vents mondiale du GIEC. L'EUROPE est gravement touchée par cette chute
Au cours des quatre premiers mois de l'année 2025, les énergies renouvelables ont en Allemagne généré la plus petite quantité d'électricité depuis plus d'une décennie ! Les compagnies d'électricité ont été contraintes d’augmenter la production d'énergie fossile de 10 % par rapport à l'année précédente. La part des combustibles fossiles dans le bouquet de production allemand est ainsi passée à son niveau le plus élevé depuis 2018 ! Une baisse de 31 % de la production d'électricité par les parcs éoliens a été le principal moteur de la baisse de l'approvisionnement en énergie propre en Allemagne jusqu'à présent cette année. Seulement 39 TWh d'électricité éolienne ont été produites de janvier à avril, ce qui était le plus faible total de l'énergie éolienne pour cette période depuis 2017, et ce malgré une augmentation de la capacité de production éolienne en Allemagne d'environ 30 % dans les années intermédiaires... Selon Reuters, le charbon a jusqu’à présent représenté la principale source d'électricité en Allemagne ! Les 40 TWh d'électricité provenant des centrales au charbon sont de 16 % plus élevées qu'au cours de la période allant de janvier à avril de l'année dernière. La pantalonnade est totale: l’Allemagne a tourné le dos au nucléaire… pour se chauffer au lignite! https://reuters.com/business/energy/germanys-energy-transition-hits-reverse-so-far-2025-maguire-2025-05-08/

Rien d’étrange à cela , voir ci-dessous la carte interactive des vents du GIEC

Les zones en bleu sont les plus affectées par la baisse de vents. Moins 10% pour les zones bleu marine. L’Europe est la région qui est la plus touchée : article Eoliennes le fiasco de la chute de leur production malgré leur multiplication du 24/1/25
Les ponts de mai font plonger les cours de l'électricité, ça va coûter cher aux Français , de plus en plus cher
Les ponts de mai font plonger les cours de l'électricité Les Echos, Samir Touzani, 09/05/2025
Les ponts de mai et une production solaire record ont fait plonger les prix de l'électricité en France. Ce déséquilibre, de plus en plus fréquent, met sous pression la filière énergétique.
Avec un soleil abondant et une activité au ralenti, les prix de l'électricité française basculent dans le négatif. Pour la première fois depuis juillet 2024, le prix de l'électricité sur le marché de gros tricolore est passé sous la barre symbolique de zéro euro. Selon les données d'Epex Spot, le tarif journalier moyen s'est établi à - 1,05 euro par mégawattheure, déclarant la France au plus bas des grands marchés européens.
A l'origine de cette situation inhabituelle, deux phénomènes se conjuguent : un ensoleillement particulièrement fort et une consommation exceptionnellement basse, liée aux jours fériés du mois de mai. Samedi 10 mai, la production solaire devrait atteindre près de 14 gigawatts selon les prévisions de Bloomberg, proche du record absolu de 18 gigawatts enregistrés fin mars. Ou, en parallèle, la demande d'électricité chute fortement pendant les ponts prolongés du mois de mai, où l'activité industrielle et tertiaire ralentit drastiquement. « Malgré la volonté d'électrifier les usages, la consommation d'électricité n'a pas redémarré franchement depuis la crise du gaz et la flambée des prix de l'énergie en 2022 », explique Julien Teddé, directeur général du courtisan Opéra Energie. La croissance molle et l'atonie industrielle pèsent notamment de manière durable sur les volumes.
Un phénomène en pleine accélération
Ce qui rend cet épisode particulièrement remarquable, c'est que le tarif négatif concerne le marché « day-ahead », celui sur lequel l'électricité est échangée la veille pour le lendemain. Il ne s'agit donc pas d'un simple prix horaire ponctuel, mais bien d'une moyenne journalière négative, signe d'une pression prolongée sur le réseau. Les épisodes de prix négatifs, autrefois rares, sont désormais plus fréquents et structurés. Un rapport récent de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), publié fin 2024, met en évidence une forte progression : 102 heures de prix négatif en 2022 (1,2 % du temps), puis 147 heures en 2023 (1,7 %), pour atteindre 359 heures sur l'ensemble de l'année 2024, soit environ 4,1 % du temps total annuel. La plupart de ces épisodes se concentrent en début d'après-midi et lors des week-ends prolongés, précisément lorsque la production solaire est au plus haut et la demande au plus bas.
Si ces baisses de prix peuvent sembler bénéfiques à court terme pour certains consommateurs industriels, elles mettent sous pression la filière énergétique. Certains producteurs peuvent subir des pertes financières lorsqu'ils vendent leur électricité à perte. Pour le premier semestre 2024, les pertes liées à ces heures négatives sont estimées par la CRE à environ 80 millions d'euros. L'accélération massive de l'installation de nouvelles capacités solaires (la France prévoit d'ajouter encore 5 gigawatts en 2025 selon Bloomberg) risque de renforcer ces déséquilibres.
Le gouvernement a changé les règles du jeu
Paradoxalement, le système de soutien aux énergies renouvelables aggrave en partie le phénomène. Pour certaines centrales, ce mécanisme qui prévoit un tarif de rachat fixe de l'électricité produite ne contraint pas les installations solaires ou éoliennes à cesser de produire lorsque les prix de marché tombent sous la barre du zéro, ces dernières aggravent donc encore la surabondance d'électricité. Pour limiter ces effets, le gouvernement a récemment modifié les règles du jeu.
Vulnérabilité des onduleurs, risque majeur avec le photovoltaïque. Il faudrait se réveiller, mais il est sans doute un peu tard, vu la pénétration des produits chinois!!!
Les cyberattaques sur les onduleurs chinois, l'autre faille du réseau électrique européen L'Express, Sébastien Julian, 10/05/2025
Alors que la coupure géante d'électricité subie récemment par la péninsule ibérique nous invite à réfléchir à la fiabilité de notre réseau, un rapport publié par SolarPower Europe - une association regroupant plus de 300 acteurs de la filière photovoltaïque - tire la sonnette d'alarme. Les onduleurs - des composants qui dépendent des panneaux solaires au réseau électrique et convertissent le courant continu en courant alternatif - pourraient fortement perturber notre futur énergétique.
Indispensables car ils produisent beaucoup de données et contrôlent la qualité du courant, ces appareils présentent les mêmes défauts que les appareils connectés. Les installations photovoltaïques dont elles font partie, notamment celles de petite taille, sont souvent mal sécurisées, ce qui laisse le champ libre à des acteurs malveillants. Ces derniers peuvent lancer une cyberattaque sur les onduleurs, exposant ainsi le réseau à des perturbations majeures. Mais ils peuvent aussi viser les fabricants ou les installateurs qui gèrent par contrat des milliers de systèmes à la fois.
114 gigawatts de capacité possédée par Huawei
Bien qu'il n'y ait pas eu d'attaques significatives ces dernières années à la rencontre des infrastructures exploitant l'énergie solaire, ce n'est qu'une question de temps avant qu'un événement fâcheux ne se produise. Chaque année, le terrain devient davantage favorable, suggère l'étude : 3 gigawatts (GW) d'onduleurs compromis suffiraient pour perturber le réseau électrique à l'échelle européenne. Or trois fabricants - essentiellement chinois - gèrent chacun à distance l'équivalent de 5 GW dans toute l'Europe. A commencer par Huawei, leader du marché, qui possède déjà 114 GW de capacité d'onduleurs photovoltaïques installés en Europe.
"La réglementation actuelle n'est pas adaptée", dénonce SolarPower Europe. Elle demande aux « grands opérateurs » de la filière énergie d’assurer la sécurité de leur chaîne d’approvisionnement. Cependant, de nombreux systèmes photovoltaïques - les plus petits en taille - sont gérés par des individus ou des petites entreprises qui échappent à ces contraintes. Parallèlement, les installateurs et les fabricants d'onduleurs développent de plus en plus des services à distance dans un souci de flexibilité. Or, ils ne sont pas soumis aux mêmes exigences de sûreté que les opérateurs d'infrastructures critiques.
"Alors que près de 70 % des installations résidentielles et commerciales sont désormais connectées à l'internet, les connaissances des installateurs et des prestataires de services en matière de cybersécurité restent limitées compte tenu de la sophistication des attaques potentielles. Les mauvaises pratiques - mots de passe par défaut, absence de pare-feu, configurations non sécurisées - sont courantes. Les utilisateurs finaux mal informés ignorent souvent les risques associés à l'accès à distance ou au stockage de données dans des centres de données situés en dehors de l'UE, parfois dans des juridictions moins protectrices" déplore le rapport.
Concurrence écrasante de la Chine
SolarPower Europe plaide donc pour la mise en place d'un "socle harmonisé de cybersécurité pour le photovoltaïque". Cependant, un nettoyage du marché semble également nécessaire. "L'UE a banni les fournisseurs non fiables de réseaux 5G", soulignent les auteurs de l'étude qui exhortent désormais le Vieux continent à faire de même pour les infrastructures critiques telles que les onduleurs. Malgré tout, retrouver un niveau acceptable de souveraineté risque de prendre du temps tant que le marché européen des onduleurs reste dominé par des entreprises basées en Asie.
Dans la foulée de l'épidémie de Covid, les producteurs européens d'onduleurs ont souffert d'importants goulets d'étranglement. Ils ne parvenaient plus à se procurer certains composants. Les fabricants chinois, dont les prix sont plus avantageux, en ont profité pour gagner des pièces de marché. Selon les données compilées par Rystad Energy, une société qui effectue de la recherche dans le secteur de l'énergie, 77 % de la capacité mondiale de production d'onduleurs se situait dans les pays en développement en 2023. A elle seule, la Chine représentait 68 % du gâteau !
"On estime aujourd'hui que les fabricants d'onduleurs européens ne sont qu'en mesure de s'approprier 20 % du marché", souligne SolarPower Europe. Face à la concurrence, ces entreprises ont pourtant de nombreux atouts à faire valoir : la sécurité des données, la durabilité des produits, la qualité du service après-vente, les risques réduits d'un contrôle à distance de l'alimentation électrique par des entités étrangères… Mais bien souvent cela ne suffit pas. Car leurs clients regardent avant tout les prix.
La chimie européenne victime des prix de l'énergie trop élevés et des réglementations délirantes. La métallurgie (Arcelor Mittal) les pneus (Michelin ) et des sous traitants condamnés. Voilà le résultat d'une politique destructrice qui voit le chômage augmenter
France Travail Aussi, au premier trimestre 2025, sur le champ « hors bénéficiaires du RSA et hors jeunes en parcours d’accompagnement CEJ, AIJ ou PACEA », le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A augmente de 127 600 (+5,4%) et le nombre de demandeurs d’emploi en catégories ABC augmente de 102 900 (+2,3%).
La chimie européenne sacrifiée sur l’autel des normes ?
écrit par Lorenzo Delpech 6 mai 2025 814 vues
L’industrie chimique européenne fait face à des défis majeurs qui risquent de nuire à sa compétitivité. En 2023, la production chimique en Europe a chuté de 8,7 % en volume (-1,9 % aux États-Unis), alors que, dans le même temps, la Chine a connu une hausse de 9,5 % de sa production. Un déclin largement attribuable à la hausse des coûts énergétiques, qui sont trois fois plus élevés qu’aux États-Unis, selon le rapport Draghi. La concurrence internationale, notamment en provenance de la Chine, devient de plus en plus pressante.
Cette dynamique mondiale met en lumière l’agressivité croissante de la Chine dans le secteur chimique. Aujourd’hui, la Chine représente 40 % du marché mondial de la chimie, contre 6,4 % en 2000. À titre de comparaison, l’Europe représente 14 % en 2022, contre 27 % en 2002. Ces chiffres illustrent une tendance inquiétante, où l’Europe a déjà perdu sa position dominante.
La pression réglementaire croissante, notamment les exigences du règlement REACH, impose des coûts et des restrictions considérables aux entreprises. Dans un article du Figaro publié le lundi 5 mai 2025, le PDG d’Arkema, Thierry Le Hénaff, prévient de la situation européenne : « Le coût de la réglementation dans la valeur ajoutée d’une entreprise de la chimie a été multiplié par 3 sur les 15 dernières années ». Il ajoute : « Il y a mille normes et réglementations qui sévissent sur la chimie européenne. C’est le cas, par exemple, de la deuxième phase du règlement REACH ».
Selon une évaluation menée par le cabinet indépendant de recherche économique Ricardo Energy & Environment, l’action réglementaire dans le cadre de la révision de REACH consistant à étendre l’article 68, appelé approche générique de gestion des risques (GRA), pourrait affecter jusqu’à 12 000 substances, indispensables dans certains domaines, et l’industrie chimique européenne pourrait perdre environ 12 % net de son portefeuille de produits d’ici 2040.
De plus, selon Reuters, qui reprend un rapport du CEFIC (Conseil Européen de l’Industrie Chimique), les réglementations strictes de l’Union Européenne imposent aux entreprises chimiques mondiales plus de 20 milliards de coûts annuels. Par ailleurs, il est indiqué que jusqu’à 10 % des dépenses d’investissement d’une entreprise chimique en Europe sont consacrées uniquement à la conformité règlementaire.Selon un autre rapport du CEFIC, la régulation des substances chimiques en Europe est extrêmement complexe. En effet, ces dernières sont soumises à plus de 40 textes législatifs différents, réparties entre plusieurs autorités, directions générales de la Commission européenne et agences, ce qui crée un véritable labyrinthe législatif. Le cas du Chrome VI est un exemple marquant : le nombre élevé de demandes d’autorisation a engendré un retard important auprès des autorités et une incertitude majeure pour l’industrie. La Commission européenne a dû examiner et statuer sur plus de 90 demandes d’autorisation en 2024, contre seulement 9 en 2016.
Face à une concurrence mondiale de plus en plus féroce et une réglementation devenue un fardeau, l’industrie chimique européenne se trouve à un tournant crucial. Il est urgent de libérer le modèle économique et réglementaire pour restaurer la compétitivité de ce secteur si stratégique.
Politique publique industrielle
Un cri d'alarme sur l'état de l'industrie française comparée au reste de l'Europe elle aussi touchée par la désindustrialisation. Les mêmes causes produisent les mêmes effets avec des variantes en fonction de la politique intérieure. À lire absolument. Le coût de l'énergie fait partie des causes.
Politiques publiques industrielles : à la recherche du choc de compétitivité perdu
écrit par Romain Delisle 13 mai 2025 805 vues
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Depuis la publication du rapport Gallois en 2012, que celle du rapport Draghi l’année dernière n’a fait que confirmer, la question de la compétitivité et de l’importance d’un choc de compétitivité pour les entreprises s’est invitée de manière de plus en plus prégnante dans le discours politique, sans que celui-ci débouche sur une véritable révolution en matière de fiscalité et de simplification normative, l’État préférant continuer à saupoudrer de l’argent public.
À la fin du mois de mai, les puissantes aciéries ArcelorMittal annonçaient le licenciement de 600 employés en France, rappelant les heures désagréables de la fermeture des hauts-fourneaux de Florange. Le secteur de l’acier français, touché par la crise de l’automobile, n’en finit pas de mourir, avec seulement quatre hauts-fourneaux en activité sur le territoire national. Plus généralement, cette situation révèle les maux de l’économie française, puisque le coût du travail, associé aux normes environnementales imposée à la sidérurgie, ne lui permet pas de rester compétitif face à la concurrence des pays asiatiques.
La France a plus souffert que ses voisins de la désindustrialisation
Depuis les années 2000, c’est-à-dire après les grandes vagues de disparitions des industries traditionnelles, textile, sidérurgie, extraction du charbon, qui ont durement touché l’Hexagone dans les années 80 et 90, le secteur secondaire français n’a cessé de décroître.
Selon la Cour des comptes, la valeur ajoutée créée par l’industrie française a augmenté de 20 % entre 2000 et 2019, un chiffre largement inférieur à celui de l’inflation (32,6 %), qui révèle une diminution de la valeur ajoutée industrielle en euros courants. Entre 2000 et 2022, le secteur secondaire a également perdu 900 000 salariés pour ne plus en employer que 3,2 millions en 2023.
En comparaison, l’Allemagne et l’Italie ont mieux tiré leur épingle du jeu : l’emploi industriel représente encore 18 et 17 % de l’emploi total (contre 11 % en France), et la part de l’industrie manufacturière dans le PIB atteint encore 21 et 17,5 %, contre 11 % en France.
Selon la Direction générale du Trésor, la baisse de la part des biens industriels exportés, pour l’essentiel manufacturés, a touché l’ensemble des pays développés, mais l’Allemagne et l’Italie s’en sont bien mieux sorties que la France et le Royaume-Uni. Dans le premier groupe de pays, le poids des exportations industrielles continue à s’établir autour du quart du PIB, quand il dépasse péniblement 10 % dans ceux du second groupe.

Fatalement, la France a vu sa position internationale se dégrader, générant un déficit commercial abyssal qui n’est plus à présenter et que les politiques de soutien à l’export n’ont pas réussi à combler. Avec une baisse de 43 % de ses parts de marché dans le commerce mondial de biens, la France, deuxième exportateur européen dans les années 2000, dégringole à la quatrième place en 2023.
Plutôt que de s’attaquer aux causes du mal, l’État a préféré viser des objectifs court-termistes
En 20 ans, les plans pour l’industrie se sont succédé, égrenant la longue litanie des subventions publiques qui n’ont pas réussi à redynamiser l’industrie française : Nouvelle France industrielle en 2013, Territoires d’industrie en 2018, Pacte productif en 2019, puis France 2030 en 2021. Encore faudrait-il, pour que le tableau soit complet, ajouter les deux plans de relance mis en œuvre pendant la crise financière et du Covid-19, ainsi que les différents PIA (plan d’investissement d’avenir), qui ne visent pas que le secteur secondaire mais qui lui bénéficient également.
D’une manière générale, les soutiens publics à l’industrie, c’est-à-dire les exonérations fiscales et sociales, les avances, les prêts, les subventions ou les prises de participation, sont en augmentation. La Cour des comptes a calculé que la moyenne annuelle des sommes versées par l’État avait atteint 17 Mds € entre 2012 et 2019, un chiffre qui grimpe à 26,8 Mds € pendant la période 2020/2022.
Dans le même temps, du fait du poids des charges sociales et des impôts de production, largement plus élevé qu’ailleurs en Europe, l’industrie tricolore continuait à être matraquée. En retranchant les subventions, le taux effectif de taxation des entreprises en 2022 atteignait 17,9 %, contre 14,3 % en Italie et 9,5 % en Allemagne (qui, de surcroît, fait montre d’une vertu budgétaire minimale dont notre pays ferait bien de s’inspirer).
Autre handicap majeur : la pénurie d’emploi. Un système inefficace d’orientation des étudiants et des lycéens les conduit à préférer s’inscrire pour un énième master en sociologie du genre, option arts du cirque, plutôt qu’à se diriger vers les filières techniques. Seuls 40 % des élèves du secondaire suivent ainsi un cursus professionnel, loin derrière la moyenne européenne qui s’établit à 49 %.
Face à l’échec répété des politiques interventionnistes et à l’accumulation de dispositifs publics inefficaces, il est temps d’opérer un véritable changement de cap. Plutôt que de poursuivre dans la voie du soutien ciblé et du saupoudrage budgétaire, la France doit miser sur la liberté économique, la stabilité fiscale et la simplification réglementaire pour créer un environnement propice à l’investissement, à l’innovation et à l’emploi industriel, faute de quoi elle continuera à glisser sur la pente du déclin.
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